1er juillet 2022

Snes Gironde

Extraits commentés de l’interview du Ministre NDiaye dans Le Parisien

Pas de changement dans la continuité…

Les deux prises de parole du Ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, dans le Parisien, le dimanche 26 juin 2022, puis son message aux professeurs, le mardi 28 juin 2022, nous rappellent, sur la forme, les mauvaises habitudes de son prédécesseur :
Communiquer d’abord à la presse pour ensuite s’adresser aux personnes concernées.

Voici quelques extraits commentés de sa première interview :

« Vous avez aussi essuyé des critiques sur le fait que vos enfants étaient scolarisés dans un établissement privé, élitiste. Que répondez-vous ?

Ils sont aujourd’hui scolarisés dans un établissement privé qui est sous contrat et, donc, qui remplit une mission de service public et ils étaient scolarisés avant en REP +.
Il y a des moments qui, dans le développement de l’enfant, peuvent être compliqués. C’est le choix de parents d’enfants pour lesquels, à un moment, les conditions d’une scolarité sereine et heureuse
n’étaient plus réunies. »

-* Les enfants de REP + qui n’ont pas la chance de pouvoir être scolarisés à l’École alsacienne n’auraient donc pas le droit, de la part du service public, à une « scolarité heureuse et sereine ».
Notre nouveau ministre fait pourtant de la lutte contre les inégalités sociales sa première grande direction stratégique pour l’École. Faites ce que je dis mais pas ce que je fais !

« Serez-vous l’anti-Blanquer ou allez-vous vous inscrire dans les pas de votre prédécesseur ? L’école, c’est le lieu des savoirs fondamentaux.

Là, je suis dans la continuité. On retouche, on améliore, mais on ne change rien fondamentalement sur Parcoursup, la réforme du lycée... Et il y aura des inflexions nouvelles et fortes »

-* Les réformes du lycée imposées de force, chaque année modifiées, causant perte de sens et souffrances professionnelles sont donc avalisées dans leurs fondements.
Une telle surdité à l’échec de ces réformes est inquiétant pour les marges de dialogue et de changements réels avec le Ministre.

« Les syndicats d’enseignants attendent un changement de méthode. Quelle sera la vôtre ?

Le premier point essentiel pour moi est de renouer un dialogue sincère et respectueux, mais qui s’était distendu ces dernières années, avec les organisations syndicales et la communauté
enseignante. Mais ce n’est pas de la cogestion et nous ne serons pas d’accord sur tout.
Je veux aussi aller à la rencontre de la communauté éducative, car ce n’est pas dans le bureau du
ministre qu’on échange avec les enseignants. »

-* Notre Ministre sera donc surtout poli.
Bien élevé et courtois, il accepte de discuter mais c’est in fine lui qui commande…
Emmanuel Macron vante pourtant la co-construction dans sa « nouvelle méthode » de gouvernement mais pas avec les syndicats de la fonction publique déjà mis au ban lors du précédent quinquennat.

« Vous avez annoncé pour la rentrée une grande concertation avec la communauté éducative. Pourquoi ce Grenelle de l’éducation bis ?

Nous sommes à l’opposé d’un Grenelle. Il s’agira de concertations à l’échelle des écoles pour construire des projets pédagogiques si possible innovants. Nous n’agissons pas dans la verticalité, mais nous soutenons des initiatives qui mettent l’accent sur la dimension collective. »

-* C’est donc une critique ouverte, que nous partageons, de l’opération de communication du Grenelle de l’Éducation lors duquel très peu de professeurs ont pu s’exprimer et dont les conclusions étaient écrites à l’avance.
Le mot-valise d’ « innovation » est un leitmotiv, désormais brandi en permanence comme un remède magique, une panacée.
Les équipes pédagogiques désirent davantage des repères ayant du sens, de la stabilité, du temps, de la confiance et de la liberté plutôt qu’une énième mode, qu’un xième artifice de communication.

« Rendre le métier d’enseignant plus attractif, c’est aussi revaloriser les salaires. Quand auront lieu les hausses promises par le président de la République ?

La hausse de rémunération sera composée de deux parts.
La première sera non conditionnée et s’appliquera à tous les enseignants. Ce qui implique de passer le salaire de départ des jeunes au-dessus des 2 000 € net. Ce sera en 2023. Par ailleurs, nous mettrons en place une part salariale conditionnée à des tâches nouvelles. Il s’agit de mieux rémunérer les enseignants et d’ajouter un bonus pour ceux qui voudront aller plus loin »

-* Le Ministre annonce en fait une carrière plate pendant 15 ans aux collègues débutants.
Il reprend ensuite le projet sarkozyste du « Travailler plus pour gagner plus » sous-entendant par là-même, comme Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer, que nous ne travaillerions pas assez.

« C’est vrai, nous avons un problème de recrutement, donc nous ferons appel à des contractuels ».

  • Tout a été fait par Jean-Michel Blanquer pour dévaloriser, à tous points de vue, notre métier et créer cette pénurie.
    Cela permet, à moyen terme désormais, d’atteindre l’un des objectifs de la loi de transformation de la fonction publique visant 50 % de contractuels dans les services publics.
    La précarité permet la docilité.

« Quid des absences de moins de quinze jours non remplacées ? Pourquoi n’abaisse-t-on pas ce seuil ?

C’est un grand problème, mais nos moyens ne sont pas illimités. Il faut réfléchir à la
meilleure manière de faire que les absences — qui sont légitimes — soient compensées.
Nous voulons faire en sorte qu’une absence du professeur d’histoire-géographie, par exemple, soit compensée par son collègue disons, de français. Mais attention, pas pour que le professeur de français fasse de l’histoire-géographie ! Il utilisera ces heures pour faire une double dose de français
et, quand le collègue d’histoire-géo reviendra, il compensera en prenant sur les heures de français ».

-* Cette annonce, en apparence anodine, masque mal la volonté affichée depuis longtemps par Jean-Michel Blanquer et la Cour des comptes d’annualiser nos services pour nous faire travailler davantage et nous rendre plus flexible.
C’est aussi une atteinte inacceptable au principe du congé-maladie.

« D’autres parades ?

On réfléchit aussi sur les temps de formation, qui sont une raison des absences devant la classe. Peut-être faut-il que ces formations ne soient plus organisées sur le temps d’enseignement ?
Le mercredi après-midi, typiquement, pourrait être mieux utilisé. »

-* Cette possibilité existe déjà, tout comme le temps de formation continue jusqu’à cinq jours sur les vacances scolaires mais il a peu été appliqué jusqu’à présent (décret du 6 septembre 2019).
Nous conseillons plutôt au Ministre de rendre notre métier attractif et d’embaucher davantage de titulaires pour effectuer ces missions de remplacements
.

« Le terme de job dating, je ne le reprends pas à mon compte […] Là où la situation est la plus
tendue, à Versailles et Créteil, on voit que ce n’est pas aussi expéditif que la manière dont
cela a été caricaturé. »

-* Notre Ministre rejette donc le terme mais pas le principe méprisant de tels recrutements.

Sur les mathématiques en Première en tronc commun :
« Tout cela peut nous encourager à passer au caractère obligatoire en 2023, c’est l’hypothèse la plus probable. »

-* Malgré les annonces de campagne d’Emmanuel Macron, les mathématiques ne sont toujours pas un enseignement obligatoire du tronc commun pour tous les élèves de Première… cela reste toujours hypothétique.

« Vous n’employez pas le mot « autonomie » ?

Je le manie avec précaution [...]
Il s’agit de donner des possibilités aux équipes pédagogiques, qu’elles n’ont pas pour l’instant, comme le recrutement de postes à exigence particulière. »

« Il faut que de véritables carrières d’AESH se dessinent, et non plus des CDD. On est en
train de réfléchir à leur stabilisation avec un volume d’heures suffisant et une rémunération associée. »

  • Nous ne pouvons qu’être d’accord avec lui pour que les AESH obtiennent un salaire digne. Il leur faut aussi un statut et la suppression des PIAL. Ces « pôles mutualisateurs » dégradent leurs conditions de travail et aggravent leur précarité en leur imposant de suivre davantage d’élèves et d’intervenir sur plusieurs écoles, collèges et lycées.

Face à la politique mortifère de Blanquer-Macron, notre nouveau Ministre préfère donc nous donner le change plutôt que de la changer.